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De la tête aux pieds
19 avril 2014

Sens de la norme dans le sport-Sens de la performance

En matière de performance, nous distinguons deux formes de rapport : un sens intime et un rapport social.

Le rapport intime signifie que le sujet va chercher à dépasser les performances qu’il a déjà atteintes ou bien à atteindre un résultat qu’il ressent comme possible au vu des ressources qu’il pense posséder. Il y a même des personnes qui cherchent à savoir ce dont elles sont capables. Elles ont pour projet de connaître leur corps. Le corps est un mystère et l’activité de production de performance s’inscrit dans une recherche de connaissance pour s’éprouver. Il y a là un projet intimiste, une intention de progresser, de faire mieux, c'est-à-dire qu’il s’agit de se donner la preuve que le corps est capable de s’améliorer. Une performance n’a pas de sens en soi, mais est toujours un moment, un instantané dans un cheminement vers la perfection. Le projet de progrès permet de d’accepter les performances du moment comme une étape pour établir de nouveaux projets à partir d’une réflexion des moyens mis en œuvre. Eprouver ses progrès permet de se donner un champ d’avenir et de l’investir. Mon corps a progressé ; mon corps peut encore progresser. Je le vis en moi-même, pour moi-même. C’est pour cela qu’il y a des athlètes qui se donnent un ensemble d’échéances afin de pouvoir dépasser chaque performance par un projet d’avenir que permet l’échéance suivante. Une joie réelle est ressentie dans ces projets intimistes.

Le rapport social à la performance sportive s’inscrit dans les rapports que le sportif entretient avec sa communauté. En effet, à la performance est attachée une valeur sociale. Par exemple, on dit qu’on est un sauteur en hauteur lorsqu’on franchit 2m. On est un coureur lorsqu’on fait moins de 40’ au 10km. Pour certains 35’ sera considéré comme médiocre. La performance est un moyen d’attirer les regards, d’obtenir de la considération et des honneurs, d’être reconnu et donc de s’intégrer. Plus le sujet progresse, plus il intègre des groupes restreints. Atteindre des niveaux supérieurs de performance permet d’avoir une écoute de ceux qui n’en font pas partie et des pairs et d’avoir plus facilement la parole. Il est possible de déconsidérer les plus faibles. Si c’est le cas, c’est avec un grand sentiment de supériorité que le sujet rentre en relation. Dans d’autres cas, il lui manifeste une parfaite indifférence. Indifférence ostensible qui donne le sentiment de sa valeur. « On a toujours besoin d’un plus petit que soi. »

Mais, ces normes peuvent jouer contre l’individu qui n’entre pas dans les normes d’excellence. Par exemple celui qui vaut 50’ au 10km, va se sentir nul par rapport à la norme de 40’ et aura tendance  soit à fuir par l’abandon ou bien le non engagement ou à se sentir mal s’il fait l’épreuve de la performance. Cela est renforcé par les jugements négatifs et les moqueries.

A partir de là, on voit des stratégies de choix de groupes sociaux adaptés à son niveau de performance ou bien d’activités. Il y a des personnes qui intègrent des groupes de niveaux supérieurs au sien pour se donner l’illusion qu’ils ont ce niveau. Côtoyer des sportifs de haut niveau valorise l’égo. Il y a une véritable courre autour de certains sportifs.

Mais, nous pensons que le passage intimiste de la performance est un moyen de dépasser la dévalorisation de ses capacités par l’ambiance sociale. Par la référence à soi, à des normes auto-référencées, j’évite la dévalorisation personnelle.

On peut se demander si cette distinction n’est pas le fruit d’un rapport différencié avec son corps. Dans la norme sociale, je suis enfermé dans le je suis mon corps c'est-à-dire que je m’identifie aux productions de mon corps. 36’37 au 10km, c’est moi. Je suis mon corps. En revanche, dans le rapport intimiste avec la performance, je considère que j’ai un corps que je peux connaître, que je peux améliorer, avec lequel je peux me lier, comme un autre que moi. Je ne suis pas mon moi, disait Antoine de la Garanderie. J’ai un moi. Mon corps m’a été prêté, j’en suis le dépositaire. J’en ai hérité. Il est doté d’un certain nombre de ressources et de capacités. A moi de les exploiter et de m’en débrouiller.

Cela permet de relativiser la notion de performance. Est-il possible de placer sur la même échelle des personnes ayant des corps différents ? La performance d’une personne faisant 100 kg qui a dû faire des efforts considérables pour boucler son marathon et se mettre à une pratique régulière de la course à pied n’est-elle pas plus admirable que la personne qui court sans effort un marathon en 2h10 ?

Les efforts d’une personne portant un handicap moteur qui apprend à jouer au tennis ne sont –ils pas aussi intéressants que celui qui joue à 4/6 ? D’ailleurs A de la Garanderie pensait qu’on était tous des handicapés de quelque chose et qu’il fallait le reconnaître…

Cependant, la norme sportive ne peut-elle pas avoir un sens positif ? La norme ne signifie-t-elle pas ce dont a été capable un pourcentage de la population qui ont un corps certes personnel et différent mais qui comporte certaines aptitudes qui sont communes à mon corps ? Donc si eux ont réussi à faire cela, pourquoi n’en serais-je pas capable ? La norme est une promesse.

De même côtoyer le champion peut être une occasion de m’instruire sur les voies qui me permettent de progresser, de le rejoindre…

Tout est donc question du sens que je donne à la norme, du sens que je donne à la performance. 

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