Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
De la tête aux pieds
1 mai 2013

Gestion mentale de la défaite ou comment Gilles Simon arrive à ne pas se rendre dépendant de la performance

janowiczsimon

 cliquer pour agrandir l'image

Gestion mentale de la défaite

Ce cliché montre la fin du match opposant un jeune Polonais, Jersy Janowicz, au Français Gilles Simon lors de la demi-finale du tournoi de tennis de Paris Bercy le 3 novembre 2012.

Le premier, victorieux, a du mal à contenir l’émotion qui l’étreint. Il se cache le visage avec sa main pour ne pas laisser entrevoir à la foule un ébranlement intérieur qu’il aimerait peut-être mieux maîtriser pour gagner en dignité et en respect pour son adversaire. Lui le 69ème joueur mondial vient de défaire l’ancien numéro 7 mondial, devant un public tout acquis à la cause du Français, dans un tournoi qui est considéré comme le plus grand tournoi de tennis en salle. Il accède par cette victoire à la plus haute considération. C’est pour lui l’entrée dans une nouvelle ère personnelle, avec toutes les facilités matérielles que cette victoire implique.

Ce qui a retenu notre attention, c’est l’attitude de Gilles Simon qui lui tient l’épaule avec un regard de contentement. Il semble ne plus se considérer comme un joueur de tennis, mais comme un spectateur privilégié assistant à la joie du jeune Polonais. Il semble comprendre ce que vit la personne qui vient de lui faire perdre une occasion unique d’inscrire son nom au palmarès de ce prestigieux tournoi. Son regard semble lui dire « Bienvenue au club ! ». Au vu des classements respectifs des deux protagonistes, et devant son public, Gilles Simon devait gagner. Il pourrait être déçu, baisser la tête de dépit et de frustration. Il pourrait aussi mentalement, et dans ses commentaires d’après match, chercher à sauver l’estime de lui-même par des discours désignant la malchance et sa méforme, ou bien la chance insolente du Polonais. Non. Il vit par procuration la grande joie de celui qui l’a terrassé. Il s’oublie. Il oublie sa défaite par la reconnaissance en lui-même de la joie vivante en l’autre telle que peut-être il l’a déjà vécue. Il fait vivre l’autre en lui-même afin de sentir son émotion. Mais on peut envisager que la reconnaissance de l’altérité et l’acceptation de la supériorité d’autrui supposent d’avoir eu accès à la réussite et à la joie dans son existence.

Difficile d’exiger cette attitude lorsque ces sentiments n’ont jamais vraiment été vécus par un être humain. Lorsque l’on pense à la violence de certains jeunes, on peut se demander si elle ne serait pas liée à l’absence de réussite. Et de ce fait, on peut s‘interroger sur la responsabilité de l’Ecole dans la genèse de cette violence. La violence est souvent le signe de l’absence de conscience de l’autre comme un autre moi-même. L’autre représente d’avantage un obstacle ou un faire-valoir. La violence est une quête de soi, mais ce moyen est une impasse. L’engagement dans une activité de développement comme le sport permettrait d’accéder à la reconnaissance de soi et donc peut-être au respect d’autrui.

Cette photo montre aussi que Gilles Simon ne fait pas dépendre son sentiment d’être de sa performance. Mais le contraire : ce sentiment d’être est la condition de la performance. Gilles Simon est un homme avant d’être un joueur de tennis. Il a perdu un match de tennis, il n’a pas perdu sa valeur personnelle. Il sait qu’il aura d’autres occasions. Son chemin de vie n’a pas déserté sa conscience. Il le sent en lui, et c’est cette présence qui lui permet d’être tout à la joie de l’autre. Sa vie ne s’arrête pas. Il a conscience de son avenir et de ses projets. La défaite ne le tue pas, elle est un évènement qui pourra être l’occasion d’un avènement futur, un élément naturel nécessaire de sa progression. D’ailleurs Gilles Simon semble déjà en marche, prêt à repartir pour s’engager à poursuivre son chemin…

Raphaël Hamard, novembre 2012

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité